dimanche 22 mars 2009

Le juge n’est pas omniscient

Nouvelle audience, nouvelle leçon…

Le citoyen “lambda” (comme le tout jeune Avocat d’ailleurs) aura tendance à considérer qu’un juge connaît fort bien le Droit, et qu’il est en quelque sorte omniscient sur le sujet.

C’est une erreur à laquelle on ne me reprendra plus !

Ainsi, un juge m’a récemment laissé doublement sans voix.

Précisons un peu le contexte :

La partie adverse soulevait l’irrecevabilité de mon assignation sous prétexte que je n’aurais pas saisi le bon tribunal (un point strictement procédural que je contestais).

Je proposais alors au juge de “joindre l’incident au fond”, c’est-à-dire (en des termes moins barbares) de ne pas prendre immédiatement de décision sur ce point procédural et de ne le traiter qu’après avoir entendu nos arguments sur le fond du dossier.

Le juge m’a alors vertement indiqué qu’il serait toujours temps pour moi d’aborder le fond lorsque j’aurais formé un “contredit de compétence” en appel.

La procédure du contredit de compétence permet de faire appel d’une décision de première instance jugeant que le tribunal saisi est (ou n’est pas) compétent.

Il m’a fallu quelques secondes pour comprendre toute la portée d’une telle affirmation, secondes fatales pour la jeune avocate que je suis. Car mon manque d’expérience m’a empêché de répondre à deux absurdités…

1- Par cette remarque pernicieuse, le juge m’a tout simplement affirmé de manière implicite qu’il avait déjà pris sa décision sur la recevabilité de mon assignation, et ce, avant même d’avoir lu mes développements écrits ou écouté mon argumentation.

En effet, sa suggestion d’aborder le fond en appel ne voulait pas dire autre chose que : “Cher Maître, je vais en tout état de cause décider que votre assignation est irrecevable ; vous n’allez pas m’ennuyer avec le fond du dossier alors que vous pourrez l’évoquer lorsque vous contesterez ma décision devant la Cour d’Appel par la voie du contredit de compétence !”

Outre un profond manque de respect pour le travail réalisé par l’avocat, cette remarque révèle un véritable manque de professionnalisme de la part du juge.

2- Juridiquement, le juge s’est tout simplement fourvoyé.

Car, en Droit, il n’est jamais possible d’aborder le fond d’un dossier en appel dans le cadre de la procédure spécifique qu’est le contredit de compétence !

Le cas contraire signifierait tout simplement que le requérant perdrait un degré de juridiction pour faire valoir ses prétentions…

Nuançons malgré tout.

Le juge auquel j’ai eu affaire était le Président d’un Tribunal de Commerce. En conséquence, il s’agissait d’un juge non-professionnel.

Les juges professionnels sont naturellement plus au fait du Droit ; je me garderai donc bien de m’opposer à eux sur une question purement juridique sans être sûre de moi…

mardi 3 mars 2009

La confraternité : une idéologie ?

Il semblerait que certaines âmes viennent errer sur mon blog et que mes élucubrations soient de quelque intérêt… Je vais donc tenter d’être plus régulière dans la publication de mes billets.

A la suite d’une de mes premières interventions sur la ligne de front, m’est venue l’idée d’un billet sur le principe (encore un !) qu’est celui de la confraternité.

Selon le Règlement Intérieur National, les rapports de l’avocat avec son confrère (défendant la partie adverse) doivent s’inspirer des principes de courtoisie, de loyauté et de confraternité régissant la profession d’Avocat (article 5.4 alinéa 2).

Il n’est pas toujours évident, lorsque l’on défend une cause et une personne, de garder son calme et de ne pas céder à l’agressivité.

Pourtant, le principe même de confraternité veut que tout avocat soit particulièrement vigilant sur le ton et le contenu tant de ses paroles que de ses écrits, à l’égard de ses confrères.

De même, tout avocat doit communiquer en temps utiles à son contradicteur ses conclusions (c’est-à-dire ses écrits qui contiennent une argumentation en fait et en Droit) ainsi que ses pièces (c’est-à-dire les documents sur la base desquels il entend prouver le bien-fondé de cette argumentation).

Malgré ma jeunesse dans le métier, j’ai malheureusement déjà pu constater que certains avocats avaient oublié ces règles élémentaires…

Ainsi, ce jour-là, mon confrère adverse (qui avait soit dit en passant 19 ans de métier -de “Bar” comme on dit chez nous-) a cherché à impressionner la jeunette que je suis en racontant des absurdités au juge (ce qui d'ailleurs, ne lui a pas particulièrement plu).

Lorsque nous avons quitté la salle d’audience, ce grandiloquent  avocat est revenu à la charge en me provoquant sur la personnalité de mon client qui, selon lui, était tout à fait à même de payer ce qu’on lui réclamait.

J’ai été non seulement choquée par son comportement pour le coup absolument anti-confraternel, mais aussi par son analyse erronée selon laquelle il convient de juger d’un contentieux en fonction des ressources des parties en cause…

Il paraitrait que c'est le métier qui rentre… A bon entendeur salut !