dimanche 5 avril 2009

Le droit de faire appel à un avocat en garde à vue

L’idée de ce billet m’est venu d’une remarque amusante d’une amie à moi :

“ Ca m'a l'air bien compliqué d'être avocate… Vraiment un domaine que je ne connais pas…

Sauf à la télé quand le type louche tient tête au gentil flic un peu bourrin et lui sort la phrase qui tue "je veux parler mon avocat", et que ça a l'air de calmer net le gros bourrin”.

Remarque préliminaire : Notre système de Justice français n’a rien à voir avec les séries américaines que l’on peut visionner à la télévision…

D’ailleurs, il n’y a rien qui horripile plus un magistrat qu’un prévenu qui l’appelle “Votre Honneur”. En France, c’est “Monsieur le Président” ou “Monsieur le Juge”…

Seconde remarque : En France, une personne placée en garde à vue peut effectivement réclamer la présence d’un avocat.

Dans la procédure pénale française, une personne est placée en garde à vue lorsque : “ il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ” (article 63 du Code de procédure pénale). Elle est alors interrogée par les policiers (ou par les gendarmes).

La garde à vue est régie par un certain nombre de règles édictées aux articles 63 et suivants du Code de procédure pénale.

L’une de ces règles fait effectivement obligation aux policiers (ou aux gendarmes) d’informer le gardé à vue de son droit à s’entretenir avec un avocat dès la 1° heure de garde à vue (article 63-4 du Code de Procédure Pénale).

Si le gardé à vue en fait la demande, les gendarmes (ou policiers) doivent prévenir immédiatement l’avocat qui aura été désigné, ou encore l’avocat commis d’office par le Bâtonnier (rappelez-vous, le grand Manitou des avocats) dans le cas où le gardé à vue n’aura désigné aucun avocat nominativement.

Cet avocat doit alors se présenter dans les locaux de police ou de gendarmerie. Il a alors une demie heure pour s’entretenir avec son client.

A ce stade de la procédure pénale, l’avocat n’a néanmoins accès qu’à très peu d’informations. Il ne connaît que la nature de l’infraction pour laquelle son client fait l’objet d’une enquête mais ne peut ni lire les procès verbaux du dossier, ni assister aux auditions du gardé à vue.

Néanmoins, le 9 mars dernier, le Comité Léger a remis à Madame Rachida DATI, Ministre de la Justice, un rapport dans lequel apparaissent les propositions suivantes : l’avocat pourrait s’entretenir de nouveau avec son client à compter de la 12° heure de garde à vue et aurait alors accès aux procès verbaux d’audition du gardé à vue ; en outre, si la garde à vue devait être prolongée, l’avocat pourrait assister aux auditions de son client.

Il s’agirait d’une avancée certaine en matière de droits de la Défense. Mais la plupart des avocats estiment que ces mesures sont encore insuffisantes…

Le rôle de l’avocat en garde à vue consiste donc surtout à expliquer à son client la suite probable de la procédure, et surtout à vérifier que ses droits ont été respectés (droit d’être informé de la nature de l’infraction objet de l’enquête, droit à voir un médecin dès le début de la garde à vue, droit de prévenir un membre de sa famille, droit d’être alimenté correctement et droit au repos).

S’il l’estime nécessaire, l’avocat peut laisser dans le dossier une note à l’attention de l’avocat qui lui succèdera, du Procureur de la République ou encore des magistrats (dans le cas où le gardé à vue serait renvoyé devant une juridiction de jugement).

Mais pour moi, le rôle de l’avocat en garde à vue va encore au-delà.

Il doit tout d’abord être à l’écoute de l’individu mis en cause. Car, lorsqu’une personne est privée de liberté dans des conditions souvent hostiles et difficiles, la rencontre avec l’avocat devient une véritable bouffée d’oxygène.

De plus, dès la garde à vue, l’avocat est en mesure d’aider son client à ébaucher une réflexion sur les faits, ainsi qu’un axe de défense.

Malgré sa faible influence à ce stade de la procédure pénale, le rôle de l’avocat en garde à vue est tout simplement indispensable pour s’assurer du respect des droits de tout être humain privé de liberté.

Rappel : L’avocat est tenu au secret de l’enquête et ne peut en aucun cas indiquer à un tiers les faits pour lesquels la personne a été placée en garde à vue ni le contenu de l’entretien qu’il aura eu avec elle. Y compris à la famille du gardé à vue à qui il ne pourra absolument rien dévoiler.

En vertu d’un principe d’humanité, son rôle consistera alors simplement à rassurer sur les conditions matérielles de la garde à vue et à expliquer la suite éventuelle de la procédure.